I / Organisation et fonctionnement de l'Agence : un apport institutionnel nouveau au développement.
A / Une indépendance contestable vis à
vis du "groupe" de la Banque Mondiale
B / La place des Etats dans l'Agence
II / Les missions de l’Agence :
A / Garantir les investissements internationaux
B / Promouvoir les investissements internationaux
C / Contribuer au règlement des différends
relatifs à l'investissement étranger
Introduction :
Apparaissant comme un phénomène nouveau dans le domaine du développement (1) , investissement étranger direct vers les pays en développement connaît aujourd'hui un regain de faveur. Alors qu'il ne cessait de diminuer dans les années 80, passant de 25 % du flux mondial de capitaux en 1984 à 12 % en 1990, il s’élève à 38 % pour l'année 1995 (3) .
Ce succès s'explique notamment du fait des échecs relatifs des politiques de développement mises en place par les pays industrialisés dans le passé : Les dons contribueraient à la déresponsabilisation des pays receveurs; quant au systèmes de promotion du commerce, certains pays en développement leur opposaient une souveraineté sur leur matière première; enfin, la crise de l'endettement du début des années 80 a engendré une perte de crédibilité des pays en développement et une charge excessive de la dette allant à l'encontre du développement.
En outre, l'investissement international bénéficie également d'une attitude plus conciliante des pays en développement qui ont renoncé à certains parti pris idéologiques tels que la condamnation des surprofits des sociétés étrangères au détriment des économies nationales (en particulier : doctrine des pays du Pacte Andin des années 60-70 et Charte des Droits et Devoirs Economiques des Etats de 1974) ou encore la contradiction de l'investissement privé et des théories socialistes ainsi que des doctrines anti-impérialistes.
Cette conjonction de facteurs économiques (crise de l'endettement) et politiques (attitude plus conciliante des pays en développement) allait permettre et rendre nécessaire, au milieu des années 80, la recherche d'une nouvelle politique de développement. Cette recherche se dirigea vers la promotion des investissements étrangers. En effet, face aux autres outils de développement, l'investissement étranger direct offre en effet l'avantage potentiel de permettre l'accès à la technologie, au savoir faire, à de nouvelles méthodes de gestion et aux marchés d'exportation. Pour peu que ces investissements ne soient pas exclusivement spéculatifs, ils permettent donc un développement matériel et humain, prenant ainsi en compte certaines revendications nées du Nouvel Ordre Economique International pourtant révolu.
Promouvoir l'investissement étranger vers les
pays en développement, c'est avant tout faire disparaître
les contraintes à son épanouissement. Rappelons que
les capitaux internationaux s'orientent vers les pays où le taux
de profit est le plus élevé et où les risques encourus
par ce capital (espérance d'un retour sur investissement) sont les
plus faibles. La contrainte principale
est d'abord un taux de profit trop faible au regard de celui offert
par un investissement vers un des pays de la "Triade". Même si les
pays en développement disposent d'un main d'oeuvre abondante et
bon marché, les capitaux seront plus productifs dans les pays industrialisés
en raison de ressources humaines plus productives et
d'infrastructures plus performantes, et surtout de la plus grande proximité
de marché solvables. L'action internationale contribue à
réduire cet écart par différentes politiques à
long terme (par exemple mission d'instruction des populations mené
par les programmes des Nations Unies..).
Vient ensuite la contrainte liée au risque que subit
l'investissement étranger, en sachant qu'un projet n'est généralement
financé que si les risques sont couverts. Pour couvrir ce risque
et voire même pour le faire diminuer, il faut d'abord chercher à
l'identifier. Il existe ainsi une multitude de risques pouvant dissuader
les investisseurs, ils sont généralement classés en
deux
catégories : celle des risques commerciaux (faillite d'un débiteur,
sinistre survenu au cours d'un transport...) et celle des risques
non commerciaux ou politiques (notamment l'expropriation, la nationalisation,
ou encore les risques de guerre). Les premiers semblent suffisamment
couverts depuis plusieurs années par des institutions tant publiques
que privées.
La couverture des risques politiques est quant à elle beaucoup
moins ancienne. Elle aussi est parfois assurée par des organismes
privés et publics (nationaux comme la COFACE, ou régionaux
comme la Compagnie Interarabe de Garantie des Investissements créée
en 1974) en revanche, elle a donné lieu à la conclusion d'une
multitude de conventions bilatérales.
Mais ces systèmes ne couvrent qu'imparfaitement les risques
politiques et ne peuvent satisfaire les investisseurs pour plusieurs raisons
: le montant des primes d'assurance à verser aux compagnies privées
pour qu'elles acceptent de garantir des risques politiques est dissuasifs
(Cela est dû à une délicate appréciation du
"risque-pays" mais surtout en ce que les assureurs privés et même
certains Etats, refusent de subir éventuellement des conséquences
financières excessivement lourdes). Autre raison : la variété
des réglementations nationales ou régionales de garantie
font peser sur l'investisseur les coûts d'études
comparatives complexes propres à le dissuader d'investir
dans les pays en développement. Seul un système international
de garantie pouvait prétendre résoudre efficacement les lacunes
propres à la couverture de ce type de risques.
Le projet de mettre en place un tel système remonte à
la fin des années 50. A la demande du comité d'aide au développement
de l'Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE) en 1961, la Banque Mondiale d'étudier divers systèmes
multilatéraux de garantie des investissements. Après divers
échanges entre la Banque, l'ONU et l'OCDE, un premier projet de
statuts d'une "International Investment Insurance Agency" fut mis en circulation
par la Banque, le 30 November 1966; malgré plusieurs révisions
de ce projet un document du 16 Avril 1973 résume les divergences
essentielles faisant obstacles à
l'établissement d'un tel système. Il s'agit d'obstacles
révélant le contexte international de l'époque tel
que nous l'avons décrit par ailleurs, notamment : de la subrogation,
de la répartition des droits de vote dans les organes dirigeants
et de la participation financière des pays en voie de développement.
A la demande du Président de la Banque Mondiale , en 1981, les
travaux d'étude sur ce projet reprenaient. Après avoir remis
un rapport aux administrateurs de la Banque en Avril 1984 intitulé
"Main features of a proposed Multilateral Investment Guarantee
Scheme". A la suite du soutien apporté par les administrateurs à
ce projet, la Banque lança une vaste campagne
d'information auprès des gouvernements et de diverses
organisations internationales. Un comité plénier rédigea
un projet définitif ayant reçu l'aval des administrateurs
puis des gouverneurs de la Banque. Ces derniers adoptèrent une résolution,
le 11 Octobre 1985, invitant les Etats Membres et la Suisse à signer
la Convention instituant l'Agence Multilatérale de
Garantie des Investissements (AMGI), la Convention entra en vigueur
le 12 Avril 1988.
L'auteur de la Convention, la Banque Mondiale ( terme désignant
la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement
, créée en 1944), inscrit la Convention du 11 Octobre 1985
dans une politique de développement orientée notamment vers
la promotion des investissements ( l'ayant déjà conduit à
créer le Centre International pour le Règlement des
Différents relatifs au Investissements, ou CIRDI, en 1965).
Ceci correspondait bien à sa vocation puisque, selon ses statuts,
la Banque doit promouvoir les investissements privés étrangers
dans les pays membres.
La Convention a pour objet la création d'une organisation internationale.
Cette organisation a quelques années de pratique qu'il conviendra
de prendre en compte. Parvient-elle à résoudreles problèmes
de garantie des investissements énoncés plus haut, et plus
largement, en quoi contribue-t-elle au développement ? Il
conviendra d'étudier son organisation et son fonctionnement en constatant
un apport institutionnel nouveau au développement (I), et d'autre
part les missions dont elle est chargée (II).
I / Organisation et fonctionnement de l'Agence : un apport institutionnel nouveau au développement.
Il s'agit avant tout d'évaluer l'aptitude de l'AMGI à
réaliser ses objectifs. Ainsi, une organisation créée
pour rassurer les investisseurs internationaux serait voué à
l'échec au cas où elle serait plus axée vers le débat
que vers l'action. En outre la complexité du domaine
des investissements internationaux requiert une structure où la
prise de décision doit être rapide et
efficace donc nécessairement indépendante.
C'est dans cette double optique que les auteurs de la Convention ont
voulu d'une part créer une structure indépendante, surtout
vis à vis de la Banque Mondiale, bien que la réalité
de cette volonté soit contestable (A), et d'autre part tirer les
leçons du passé en donnant partiellement une place nouvelle
aux Etats dans une organisation internationale (B).
A / Une indépendance contestable
vis à vis du "groupe" de la Banque Mondiale :
Une attitude politique confortant les pays en développement, alors critiques à l'encontre de la BIRD, et une complexité technique de la matière (garantir les investissements internationaux) justifiaient le souhait des auteurs de l'indépendance de l'AMGI vis à vis de la Banque Mondiale ; le texte de la Convention traduit cette volonté (1), tandis que l'application de la Convention semble la contredire (2).
1. Une organisation internationale indépendante :
Cette indépendance se manifeste d'une part par l'article 1 de
la Convention établissant la personnalité juridique
de l'Agence (a) et d'autre part, par une organisation se distinguant
des autre institutions du groupe de la Banque Mondiale (b).
a) La personnalité juridique de l'Agence :
L'avant - projet proposait que la garantie des investissements serait
assuré par un service de la BIRD. A contrario de ce projet, la Convention
énonce la "pleine personnalité juridique" de cette organisation
dans l'article 1(b). Le commentaire officiel de la Convention, diffusé
par les services de la Banque Mondiale, nous précise que l’Agence
est doté de cette "pleine personnalité juridique
au regard du droit international et de la législation
interne des Etats Membres " .
Il est dès lors choisi que l'existence de l’Agence sera distincte
des Etats qui la composent mais aussi de tout autre sujet de droit international,
notamment de la Banque Mondiale (ce n'est donc pas une filiale de la Banque
Mondiale comme l'AID ou la SFI).
L’Agence dispose d'une personnalité juridique interne selon
les législations des Etats Membres, et d'une
personnalité juridique internationale ( privilèges et immunités
sont décrits au chap. VII de la Convention).
La suite de l'article 1(b) nous indique que ces droits sont, de façon
non exhaustive ( "... en particulier " ) :
- d'une part, la "capacité de contracter " : les contrats visés
sont divers, comme nous le verrons par ailleurs ( Contrats de garantie,
accords de coopération ... );
- d'autre part, la "capacité d'acquérir des biens meubles
et immeubles et de les aliéner ", ceci étant indispensable
à son fonctionnement (mais aussi pour devenir propriétaire
des avoirs acquis par subrogation, tel qu'étudié plus loin).
- enfin, la "capacité d'ester en justice " : l’Agence peut donc
agir devant les juridictions nationales des Etats Membres et devant d'autres
juridictions, internationales ou arbitrales. En sens inverse, elle jouit
d'immunités de juridictions (conférer chap. VII de la Convention).
L'Agence dispose en outre de pouvoirs plus étendus mais non définis,
l'article 2(c) lui permet d'exercer "tous autres pouvoirs implicites
nécessaires ou favorables à l'accomplissement
de son mandat " : les signataires donnent donc une grande importance à
la liberté d'action de l'Agence dans l'idée de lui faire
accomplir au mieux son mandat. La Banque Mondiale a créé
une institution potentiellement capable de la contredire, pour
peu que l’Agence avance la nécessité d’exécution de
son mandat.
b) Des organes de décisions distincts de ceux du Groupe de la Banque Mondiale :
Avant de distinguer la structure de l’Agence de celle d'autres institutions du groupe de la Banque Mondiale, il convient d'abord de présenter ses composantes :
1 - présentation des organes décisionnels de l'AMGI :
Le chapitre V de la Convention met en place des organes d' "organisation et de gestion" présenté comme la "structure de l’Agence " par l'article 30 :
- Le Conseil des Gouverneurs :
Chaque Etat Membre nomme un gouverneur et un gouverneur suppléant
selon les modalités de son choix (article 31 b). Le Conseil des
Gouverneurs tient au moins une réunion annuelle et se réunit,
sous conditions, à la demande du Conseil d’Administration
(les modalités et les conséquences de cette possibilité
seront étudiés plus loin).
Aux termes de l'article 31a, tous les pouvoirs sont dévolus au Conseil des Gouverneurs, à l'exception des pouvoirs que la Convention confère expressément à d'autres organes. Celui-ci a un pouvoir général de délégation sur le Conseil d’Administration à l'exception de certains pouvoirs ( article 31 a) dont les compétences les plus révélatrices de ses fonctions sont :
"admettre de nouveaux membres et fixer les conditions de leur adhésion"; cette disposition est à rapprocher de l'article 4 établissant les conditions d'adhésion et de l'article 17 c du Règlement;
"suspendre un Etat Membre" ;
"statuer sur toute augmentation ou diminution de capital", comme l'énonce également l'article 5c; le Conseil des Gouverneurs intervient de même dans la souscription des actions par de nouveaux membres (article 6);
"Classer un Etat Membre dans la catégorie des Etats Membres en développement", cette disposition doit être rapprochée de l'article 39 et de l'appendice A afin d'en comprendre les enjeux.
Ces pouvoirs révèlent que le Conseil des Gouverneurs décide des orientations politiques et de l'organisation de l’Agence; il est l'organe politique (4).
D'autres pouvoirs attribués au Conseil des Gouverneurs sont énoncés dans la Convention :
* "Amender la présente Convention, son Annexe et ses Appendices" (article 31a (x) ).
* Fixer le siège de l'AMGI ailleurs qu'à Washington D.C.
(Article 36 a) ; le Conseil des Gouverneurs a donc potentiellement le pouvoir
de détacher géographiquement l'AMGI du siège de la
Banque Mondiale ou même de faire un choix délibéré
de fonctionner sans l'appui de ses services. En poussant plus loin ce raisonnement,
le Conseil des Gouverneurs aurait le pouvoir d'exclure la Banque Mondiale,
pourtant signataire de la Convention, car le pouvoir d'amender les statuts
est reconnu exclusivement au Conseil des Gouverneurs (article 31 a).
- le Conseil d’Administration : Il comprend au moins douze administrateurs
(article 32 b) ; le Conseil des Gouverneurs peut
modifier ce nombre pour tenir compte de l'arrivée de nouveaux
membres. A la différence du Conseil des Gouverneurs, le Conseil
d’Administration se compose d'un nombre restreint de membres, ce qui garantit
à cet organe une plus grande effectivité dans l'exercice
de ses pouvoirs (5) .
Les administrateurs sont élus par le Conseil des Gouverneurs
conformément aux dispositions de l'article 41a et de l'appendice
B. Le Conseil des Gouverneurs fixera également la durée de
leur mandat (article 32c), décide de l'exercice de
permanent ou non des fonctions d'administrateurs
et fixe leur rémunération si leur fonction est permanente
(article 32 e).
Le Conseil d’Administration est chargé des opérations
générales de l’Agence. Révélant cette fonction,
les nombreux pouvoirs qui lui sont expressément
conférés par la Convention sont notamment les suivants :
étendre la couverture de l’Agence à d'autres risques non
commerciaux que ceux énoncés dans la Convention ( art. 11b),
inclure de nouvelles formes
d'investissement parmi les investissements éligibles (art. 12
b).
Le Conseil d’Administration approuve également le budget annuel
(Art. 28) et peut demander au Conseil des Gouverneurs de se réunir
sous certaines conditions (art. 31). A ce sujet, M.SHIHATA estime même
qu'en pratique, le Conseil des Gouverneurs ne se saisit d'un problème
que sur recommandation du Conseil d’Administration (6).
Cette opinion ne semble pas avoir été contredite. Le
Conseil d’Administration jouit également de tout pouvoir délégué
par le Conseil des Gouverneurs (art. 31 a).
A noter que le Conseil d’Administration ne fonctionne normalement en
pratique non pas depuis Avril 1988, date d'entrée en vigueur de
la Convention, mais seulement depuis 1991, toutes les décisions
prises par le Conseil d’Administration requérant la majorité
spéciale durant les 3 premières années d'activité
(art. 39 d).
L'article 32 b stipule que le président de la Banque Mondiale
devient ex officio Président du Conseil d’Administration de l'AMGI.
Nous voila au coeur du problème de l'indépendance de l'AMGI
vis à vis de la Banque Mondiale : Selon le commentaire officiel
de la Convention, cette disposition permettra à l'AMGI de bénéficier
du crédit de la Banque Mondiale pour l'aider "à se faire
reconnaître " et à promouvoir le rôle de
l’Agence comme institution internationale du développement.
Le commentaire officiel ajoute que cela n'affectera pas les
"rôles différents revenant aux deux institutions" (7)
.
En effet, le Président de la Banque Mondiale ne prend part aux
votes du Conseil d’Administration de l'AMGI qu'en cas d'égalité
des voix, auquel cas sa voix est prépondérante.
- la Présidence et le secrétariat de l’Agence :
Le Conseil d’Administration nomme le Président de l’Agence sur
proposition du Président du Conseil d’Administration (art. 33 b
) pour 5 ans. Sa mission est la gestion des affaires courantes (approbation
des contrats de garantie, établissement du budget annuel... ), il
décide de même de l'engagement, de l'organisation et
de la révocation du personnel de l'agence (art. 33 a ). A noter
que la Convention permettait l'élaboration de plusieurs
structures de gestion de l'AMGI (8), à
la lecture du premier Rapport Annuel (9) ,
la suivante a été choisi : le président du Conseil
d’Administration et de l’Agence nomment un vice-président exécutif
( "Executive Vice President") chargé de la gestion de l’Agence.
On remarque, plus généralement, que la Convention ne fait pas allusion, en dehors de la nomination du président du Conseil d’Administration, à la Banque Mondiale dans les compétences et le fonctionnement des organes de l'AMGI (aucun des organes n'est contraint de travailler avec la Banque ou n'a de pouvoir partagé avec celle-ci) . Il est donc exact de dire que les décisions prises par les organes de l'AMGI peuvent juridiquement se distinguer des décisions de la Banque Mondiale, ce qui n'est peut-être pas le cas d'autres institutions du Groupe.
2 - Distinction de la structure de l’Agence de celle des autres institutions du Groupe:
Quelques différences notables peuvent être observées
en comparant l'AMGI aux deux autres ramifications de la Banque, à
savoir la SFI et l'AID lesquelles sont à la différence de
l’Agence, ses filiales.
Comparé à la SFI, l'AMGI apparaît un peu plus autonome.
En effet, les gouverneurs de la SFI sont les mêmes personnalités
que celles du conseil des gouverneurs de la Banque. Son Conseil d’Administration
est constitué des mêmes administrateurs que ceux de la Banque.
A contrario, dans la Convention créant l'AMGI, il existe un Conseil
des Gouverneurs et un Conseil d’Administration composés de personnalités
distinctes de celles de la Banque (à l'exception du président
du Conseil d’Administration qui est en même temps celui de la Banque
mais n'intervient que dans des cas très limités).
Comparé à l'AID, le degré d'autonomie apparaît
encore plus poussé puisque, non seulement les instances décisionnelles
de la Banque font fonction d'instances décisionnelles pour l'AID,
mais encore celle-ci n'a pas d'exécutif propre.
Pour ce qui est du CIRDI, cette institution a un conseil administratif
composé des gouverneurs des Etats Membres à la Banque Mondiale,
et présidé par le Président de la Banque.
La Banque Mondiale n'aurait-elle dans l'AMGI qu'un
rôle purement fonctionnel, ne pouvant en cas de conflit imposer
ses décisions à l’Agence ? La Convention nous le confirme
dans la dernière phrase précédant la signature : la
BIRD n'y est envisagé comme signataire que sous l'angle des "fonctions
dont elle est chargée ".
L'AMGI est donc la structure du groupe de la Banque Mondiale où
le degré d'autonomie apparaît le plus poussé.
c) Détachement partiel de l’Agence dans son fonctionnement
vis à vis de la Banque Mondiale
:
Elle se détache en partie du groupe de la Banque Mondiale par
son « fonctionnement décentralisé » (10)
du fait de sa collaboration avec des organismes nationaux et régionaux
de garantie des investissements (art.19 et 20 ), et avec des assureurs
privés (art. 21).
Dans le cadre des articles 19,20 et 21, le rapport annuel 1996 de l'AMGI
nous informe de sa collaboration avec, notamment, l'OPIC (Overseas Private
Investment Corporation) américain, et, au Japon, le MITI, mais aussi
la Lloyd pour les assureurs privés. Les domaines de collaboration
sont : La réassurance, coassurance de projets nationaux ou régionaux
mais aussi
une action commune dans l'harmonisation des contrats de garantie (11).
Ces diverses institutions ont comme interlocuteur direct l'AMGI et ne passent
donc pas par la BIRD pour ce qui est du domaine de garantie des investissements.
La Convention démontre les réels efforts de la Banque
de créer un nouvel instrument d'aide au développement qui
lui soit indépendant.
D'un autre point de vue et au regard de cette analyse de la Convention, les investisseurs sont assurés que même des changements éventuels de la politique de développement du groupe de la Banque Mondiale n’entacheront pas les engagements pris par l'AMGI.
Le fonctionnement de l'AMGI et la pratique de la Convention montrent
cependant que la réalité est moins catégorique.
2. Une institution en réalité centrée autour du
Groupe de la Banque Mondiale :
a) une organisation inspirée et dépendante de la Banque
Mondiale :
Rappelons que pour être membre de l’Agence, il faut d'abord être membre de la Banque (art.4a, sauf pour la Suisse (12) ), et par là même du FMI.
Comme le fait remarquer P. Schaufelberger, la majorité des Etats Membres s'était d'emblée prononcé pour un Conseil d’Administration restreint donc efficace (13), sur le modèle de la BIRD ou de la SFI.
En pratique, se pose de façon aigüe le problème de
l'influence de la Banque Mondiale sur l'AMGI puisque le président
actuel, M. J. WOLFENSOHN, est aussi le président de la BIRD, tout
comme l'était son prédécesseur. Les services de la
BIRD et ceux de l'AMGI ont donc à leur tête la même
personnalité.
Le texte de la convention qui pourrait faire croire à une indépendance
poussée de l'AMGI se distingue donc nettement de sa pratique et
de la réalité révélant ici un lien
supplémentaire de dépendance.
Enfin, sa gestion financière responsable la rapproche des autres
institutions du groupe.
b) un fonctionnement lié au groupe de la Banque Mondiale :
Le fonctionnement de l’Agence est indissociablement lié au groupe de la Banque Mondiale du fait d'objectifs communs (le développement tout d'abord). L'efficacité de l’Agence passent donc obligatoirement par l'établissement de relations formelles et informelles avec ces autres organisations.
1 - Des rapports fonctionnels entretenus dans le texte :
Centrée, l'AMGI l'est d'abord géographiquement autour
de la Banque Mondiale puisqu'à WASHINGTON D.C., lieu du siège
de l'AMGI (article 36 a de la Convention), sont situés l'ensemble
des organes de décisions et des services du Groupe de la Banque.
L'Agence a d'ailleurs l'obligation de coopérer avec l'ONU mais aussi
avec toute Organisation Internationale
s'intéressant à des domaines connexes à ceux de
l'Agence, notamment avec la Banque et la SFI (art. 35).
En outre, l'article 32 b stipule que le président de la Banque
Mondiale devient ex officio Président du Conseil d’Administration
de l'AMGI.
L'Agence est en relation avec le système du CIRDI, créé
par la Banque Mondiale, auquel il est fait référence dans
ses contrats en matière de règlements des différends
(annexe II, art. 3h).
2 - des liens fonctionnels nécessairement confirmés par la pratique :
Les institutions du Groupe ayant parfois certaines missions que l'on retrouve dans la Convention comme étant également affectées à l’Agence : Promotion des investissements internationaux de l'art. 2b (partagé avec la SFI), règlement des différends relatifs aux investissements du chap IX (partagé avec le CIRDI).
Certainement au détriment son autonomie, la propension de l’Agence à collaborer avec le Groupe de la Banque Mondiale tend à s’accroître; ainsi le rapport annuel 1996 nous informait sur cette tendance, par le constat suivant :
"Within the World Bank Group, MIGA strenghtened its relation with
the BIRD and IFC during fiscal 1996..."
De façon synthétique, M. TOUSCOZ résume cette combinaison des dispositions de la Convention et de la pratique en ce que L'AMGI disposerait des compétences, de l'expertise et du poids politique et financier du Groupe (14).
En résumé, et c'est une nouveauté dans l'ordre
juridique international des investissements, l'AMGI apparaît
textuellement comme l'institution la plus autonome et
indépendante du groupe de la Banque Mondiale. En revanche, l'application
de la Convention, comme cela était prévisible, marque
une dépendance organisationnelle et matérielle vis à
vis de ce groupe.
Celle-ci n'a pas été un frein à l'accomplissement
de sa mission.
L'autre aspect novateur de cette convention est la place donnée
aux Etats dans cette organisation.
B / La place des Etats dans l'Agence
:
Rappelons au préalable que la Convention est ouverte à la signature à tous les pays membres de la Banque Mondiale (art. 4a) : on souhaite une démarche volontaire des Etats par l'attraction des avantages offerts par l'AMGI. Une distinction est faite entre membre fondateur et membre non originaire. Le nombre total des Etats Membres (au sens de l'art.61) était 85 en 1992, il est de 134 en 1996 pour 155 signataires (15) , avec quelques absences (Australie et Mexique surtout).
Compte tenu du contexte de conclusion de la Convention (Crise de l'endettement et crainte d'un affrontement politique Nord - Sud), les dispositions posant le plus de réticences à la signature des Etats étaient le système de répartition des voix au sein de l'agence, qu'il convient de présenter et replacer dans le contexte international actuel (1), et le financement de celle-ci (2).
1. La répartition des voix au Conseil des Gouverneurs de l'AMGI
et l'évolution du contexte international depuis la conclusion de
la Convention :
a) Présentation du système de vote mis en place par la
Convention :
La principale originalité de l'AMGI est son système de répartition des voix.
Dans des conditions que nous avons vu, chaque Etat Membre nomme un gouverneur;
celui-ci est habilité à exprimer le nombre de voix de l'Etat
Membre qu'il représente (art. 40a). Ce nombre de voix est déterminé,
au vue du nombre d'action par Etat, par l'Appendice A en fonction du poids
économique de chaque Etat ( art. 39 a, 177 voix par Etat plus une
pour chaque action détenue).
On remarque que la répartition des Etats en deux catégories
n'oppose pas les pays du Sud au pays du Nord, selon la distinction classique.
En outre, l'article 39 (a) de la Convention tient compte d'une part de
l'intérêt égal que représente l'Agence pour
les deux catégories d'Etats dont la liste figure dans cet Appendice
A à la Convention et d'autre part de l'importance de la
participation financière.
Ces dispositions aboutissent à un cumul complexe de la formule
dite "de Bretton Woods " (pondération des voix en fonction de la
participation effective de chaque Etat au capital) et du vote par bloc
d'Etats, destiné à établir, en cas d'absence de consensus,
un certain équilibre des pouvoirs. En application de ce principe,
on constate que si tous les Etats mentionnés à
l'Appendice A adhéraient à la Convention, il y aurait
égalité des voix entre les 2 catégories d'Etats créées,
à savoir entre pays importateurs de capitaux et pays exportateurs
de capitaux.
Cependant , il semble que l'Appendice A reflétait alors trop
parfaitement le contexte international en vigueur à la signature.
b) La prise en compte de nouvelles réalités :
En 1985, l'Appendice A, dont les Etats à économie planifiée
étaient exclus, reflétait surtout un monde bipolaire. En
outre, à l'issue d'une période transitoire de 3 ans permettant
de protéger le groupe minoritaire des pays en développement,
d'importants Etats (Brésil, Inde, ...) n'avaient toujours pas adhéré
à la Convention, certains étant sur le point de le faire.
Durant la troisième année de la période transitoire,
le Conseil des gouverneurs aurait du réétudier la répartition
des actions et donc des droits de vote (art. 39 c). Les dispositions
de la période transitoire furent partiellement prorogées
jusqu'à 1995 (16) , au lieu de répartir
alors les actions et droits de vote (et de devoir procéder par la
suite à une augmentation de capital à chaque nouvelle adhésion).
Le Conseil des Gouverneurs a utilisé en conséquence les
pouvoirs qui lui sont accordés par les articles 31a (i) et (vi)
pour aménager l'arrivée de nouveaux Etats Membres dans ce
contexte.
Cela a permis d'attribuer les parts affectés à des Etats
de catégorie II qui n'ont pas adhéré, à de
nouveaux Etats ne figurant à l'Appendice.
A titre d'exemple : le Mexique disposerait de 1192 actions au regard
de l'appendice A; or, cet Etat n'étant pas même signataire
de la Convention au 30 Juin 1996 (17) , ses
actions ont été redistribuées à des Etats
ne figurant pas à l'Appendice A tel l'Ukraine qui dispose
désormais de 764 actions, reflétant la proportion de ses
droits de vote dans l’Agence (18).
La caducité de l'Appendice A n'a donc pas été un obstacle à la prise en compte de l'accession à l'indépendance de certains Etats.
Au 30 Juin 1996, du fait de l'absence de modification du capital autorisé
et du nombre d'actions depuis la conclusion de la Convention (19)
, il semble que ces aménagements soient toujours en vigueur.
Dans les années à venir cependant, l'AMGI semble devoir
subir une augmentation de capital justifiée par de nouvelles
adhésions, car ces aménagements ne sont pas indéfiniment
renouvelables ( au 30 Juin 1996, 97 869 actions ont été souscrites
pour 100 000 autorisées).
La fin de cette période transitoire partielle donnera lieu à
une répartition d'actions selon les dispositions de l'article 39
c (ii).
2. L'intervention des Etats dans le financement de l’Agence :
La Convention réussit également à ne plus faire
de la question financière un enjeu de pouvoir entre Etats, en établissant
l'autonomie financière de l’Agence (a) et révèle l'idée
d'un partenariat en énonçant un principe
de responsabilité solidaire dans le financement (b).
a) Autonomie financière de l’Agence :
Pour satisfaire à ses obligations financières, l’Agence
dispose d'un capital social (art. 5 à 10) et de différentes
sources de revenus (art. 26 : primes, émoluments et commissions;
art.28 : revenus des investissements et du capital propre). Ces revenus
servent au financement des dépenses courantes de l’Agence . Le respect
d'une " pratique commerciale saine et d'une gestion financière avisée
" (art. 25) assurera l'autonomie financière de l'institution et
préservera son aptitude à s'acquitter en toutes circonstances
de ses engagements financiers sans avoir à faire appel à
la fraction non libérée de son capital social.
Ceci est en accord avec le souhait énoncé au paragraphe
5 du préambule de la Convention "... une telle Agence devrait, dans
toute la mesure du possible, remplir ses obligations sans recourir à
son capital appelable...".
Aux termes de la Convention, ce capital doit se constituer de la façon
suivante : Le capital social correspond au total des montants que chaque
Etat Membre s'engage à souscrire lors de son adhésion à
l'AMGI, en référence à l'appendice A (art.6 ii de
la Convention; on remarque que la participation au capital d'un nouveau
signataire fait l'objet d'une décision unilatérale
de l'AMGI).
Le capital social (ou capital souscrit) est à distinguer du
capital autorisé représentant le capital initial maximum
dont peut être doté l'Agence si tous les Etats figurant
à l'Appendice A adhéraient à la Convention;
au terme de l'article 5, ce capital autorisé est de 1 milliard de
DTS soit 1,082 milliard de USD. Le capital social sert également
de référence pour déterminer par exemple le montant
total des engagements auxquels l’Agence peut souscrire en vertu des garanties
délivrées (art. 22 a).
Qu'en est-il en cas de retards de paiement des Etats ?
La Convention ne prévoit rien à ce sujet; or, le système
ne peut fonctionner sans que la part du capital requis soit versé
par chaque Etat Membre . En conséquence, une nouvelle exigence a
été introduite : la qualité de membre d'un nouvel
Etat signataire ne devient effectif qu’après paiement complet du
capital souscrit qu'il doit libérer (20).
Enfin, l'article 8 de la Convention établit un régime de paiement des actions souscrites plus favorable aux Etats Membres en développement (classé comme tel par l'appendice A).
Au 30 Juin 1989, les souscriptions des Etats Membres représentaient 74,43 % du capital autorisé. Du fait du succès des adhésions à l’Agence, le rapport annuel 1996 annonce qu'au 30 Juin 1996 (21) , le seuil du capital autorisé a presque été atteint ( au 30 Juin 1996, 97 869 actions ont été souscrites pour 100 000 autorisées).
A noter également que le capital souscrit est désormais de presque 1,1 Milliard de USD, dépassant les prévisions établies dans la Convention, ce qui a permis de modifier le plafond des engagements passant de 150 % en 1988, à 350 % en 1996 (le maximum possible étant de 500 % de la somme du capital souscrit, art. 22 b). Au 30 Juin 1996, le montant cumulatif maximum des engagements par Etat Membre (Art 22 b (i) de la Convention) passe de 175 millions de USD à 225 millions de USD.
Le capital social de l’Agence qui pouvait paraître faible à
la conclusion de la Convention bénéficie donc d'un
très intéressant effet de levier favorable à la multiplication
du volume des investissements couverts par l’Agence . En conséquence
s'établit un cercle vertueux de l'investissement international :
plus l’Agence fait de bénéfice, plus elle peut garantir de
projets faisant ainsi plus de bénéfices.
b) Responsabilité solidaire des Etats Membres :
Si la création d'un capital social doit permettre à l’Agence de couvrir ses premières opérations et de faire face à ses premières dépenses (22) , son rôle essentiel consiste à réunir en une communauté d'intérêt les pays en développement et les pays industrialisés en leur imposant une responsabilité solidaire pour les pertes.
Concrètement, la Convention a cherché à associer
les Etats Membres en développement à la perte qu'occasionne
l'indemnisation d'un investisseur frappé, par exemple, d'une mesure
d'expropriation dans l'un de ces Etats. On espère ainsi diminuer
les risques liés à l'investissement et réduire
la probabilité de survenance d'un sinistre. La très
faible fraction libérée du capital souscrit, 20 % (art. 7
i), doit inciter les Etats membres à ne pas laisser survenir un
sinistre, sous peine d'un appel de capital sur la base de l'article 7 (ii).En
contrepartie de cette responsabilité solidaire, l’Agence peut être
amené à rembourser aux
Etats Membres les sommes versées suite à un appel de
capital (art.10) ou à distribuer ses bénéfices, ou
plutôt ses excédents de réserves, aux Etats Membres
(art. 27 b).
En résumé, l'AMGI se distingue en de nombreux points des
autres Organisations Internationales d’aide au développement. On
constate d'une part que l'AMGI bénéficie du soutien de la
Banque Mondiale tout en maintenant une certaine autonomie nécessaire
à l'accomplissement des tâches complexes qui lui sont dévolues.
D'autre part, la Convention a su attirer les adhésions par sa capacité
à prévenir tout conflit politique et financier au sein de
l'Agence, préférant ainsi l'action au débat.
Plus qu'un simple mécanisme d'assurance, l'AMGI, grâce
à des statuts équilibrés, a su reconstitué
un climat de confiance entre pays industrialisés et en développement.
Mais une organisation statutairement apte à réaliser ses
objectifs ne peut contribuer au développement sans une action pertinente.
II / Les missions de l’Agence :
Le titre de la Convention de Séoul du 11 Octobre 1985 nous apprend que l'organisation qu'elle entend créer est une institution de "garantie des investissements". Comme le souligne M. SHIHATA, "l'assurance n'est que l'un des moyens dont elle disposera pour atteindre son objectif véritable, qui est d'encourager les flux d'investissements à des fins productives" (23) .
Les souhaits formés dans le préambule de la Convention
laissent penser que ces missions sont la garantie (A) mais aussi la promotion
(B) des investissements. L'intitulé du chapitre IX fait apparaître
une autre mission de l’Agence : participer au règlement des différends
(C).
A / Garantir les investissements
internationaux :
Les différents systèmes de garantie des investissements
proposés par l'agence révèlent la volonté de
la Convention de couvrir des risques inefficacement couverts ou non couverts
jusqu'alors.
Les systèmes proposés sont les suivants : La garantie
assumée intégralement par l'Agence elle-même (1)
et la garantie d'investissements parrainés (2). Outre la Convention,
ils sont présentés par un règlement opérationnel
mais aussi par les termes d'un Contrat de garantie standard pris en 1989.
1. La garantie assumée intégralement par l'Agence elle-même :
Dans ce cas, l'Agence est responsable sur ses biens propres des conséquences
des opérations qu'elle garantie. Certains risques sont assumés
par l'Agence du fait qu'ils soient inefficacement couverts ou non couverts
jusqu'alors . Mais dans cette couverture de risques, l'Agence exigera,
dans les conditions d'admissibilité des investissements, que ces
derniers contribuent effectivement au développement.
a) l'Agence ne couvre que les risques inefficacement couverts ou non couverts jusqu'alors :
L'article 2 (a) pose le principe général de la couverture
des risques non commerciaux ou risques politiques. Ces derniers sont toutefois
sujets à qualification, de telle sorte que la Convention énumère
d'abord quatre catégories de risques, avant d'accorder au Conseil
d’Administration la compétence de couvrir d'autres risques politiques
par une décision prise à la majorité spéciale
(art. 11b), exception faite des risques de dépréciation et
de dévaluation qui sont expressément exclus (ceci sont considérés
comme étant suffisamment couverts par d'autres instruments tant
publics que privés).
Ces risques sont les suivants : Risques de transfert de devises (au
cas où l'Etat d’accueil établirait par exemple un contrôle
des changes partiels), le risque d'expropriation (par exemple nationalisation
des actifs sur le territoire d'accueil), rupture de contrat
(c'est à dire la non exécution par le pays d'accueil de ses
obligations) et enfin, les risques de conflits armés et troubles
civils (car ils peuvent engendrer la destruction d'un outil
de production par exemple).
Les particularités les plus notables de cette énonciation
sont :
- le fait que la Convention prenne en compte l' « expropriation
rampante » dont les effets cumulés aboutissent
à un expropriation de fait de l'investisseur étranger.
- la couverture, pour la première fois dans le Droit international
des investissements, de la rupture de contrat.
b) les investissements admissibles doivent être à même de contribuer au développement :
Au sens de la Convention, les investissements admissibles comprennent
" les prises de participation, y compris les prêts à moyen
et long terme, accordés ou garantis par les détenteurs de
capital de l'entreprise intéressée, et toutes formes d'investissement
direct jugées admissibles par le Conseil d’Administration ". Le
règlement ajoute que l'investissement doit se
prolonger sur trois années au moins et que la rémunération
de l'investisseur doit dépendre substantiellement de la production,
des revenus ou des profits du projet. Ceci fait dire a pu faire dire qu'il
y a là "une définition de l'investissement en fonction du
mode de rémunération de l'investisseur, ce qui est une démarche
nouvelle et très satisfaisante" (24).
Une approche étroite de l'investissement faisait reposer sa définition
(celle du FMI par exemple) sur une notion restrictive
de contrôle de l'investisseur sur son
investissement.
Les lacunes de cette approche était de négliger
conséquences matérielles ou technologiques dans le pays d’accueil,
comme instrument pouvant contribuer au développement.
L'investissement n'est pas défini dans la Convention mais le
Règlement pris en son application propose une définition
nouvelle.
La définition originale de l'investissement ainsi proposée
reflète une conception du
développement volontairement basée plus sur un échange
technologique et méthodologique (par la coopération) que
financier. On viserait ainsi un développement "humain" selon certaines
opinions. Cette définition prend, de même, compte de l'investissement
"sans capital", basé sur l'apport de savoir faire ou de technologies
( contrats de franchise ou licence pourront
donc être garantis). Plus largement, l'agence devra prendre en
compte l'utilité économique pour le pays d’accueil, du projet
présenté (art. 12 d). L'investissement doit en outre
n'être effectué qu’après l'enregistrement de la demande
de garantie.
Par contre, l'agence ne garantit ni ne réassure aucun crédit
à l'exportation accordé, garanti, ou réassuré
par un gouvernement ou un établissement officiel
de crédit à l'exportation .
Enfin, la première des garanties pour l'investisseur est d'avoir
l'assurance d'une attitude favorable du pays d'accueil face à son
projet, aussi l'AMGI, selon l'article 15 de la Convention, ne pourra conclure
"aucun contrat de garantie avant que le gouvernement du pays d'accueil
ait approuvé l'octroi de la garantie par l'Agence contre les risques
expressément désignés". On veut
donc informer et responsabiliser l'Etat d'accueil et plus largement
tendre vers un partenariat.
c) Pays d'accueil et investisseurs admissibles :
Les pays admissibles sont nécessairement les pays en développement (art. 14) et les investisseurs admissibles doivent être rattaché à l'un des Etats Membres (art.13) ; l'investisseur, pour être admissible, n'est pas nécessairement ressortissant d'un pays développés : la Convention cherche à promouvoir les investissements entre pays en développement (ou "South-South development").
d) Mise en oeuvre de la garantie :
Au regard de l'art. 17, avant de s'adresser à l'agence pour indemnisation,
l'Investisseur doit d'abord exercer tous recours administratifs appropriés.
Il ne s'agit pas de l'épuisement des recours internes puisque
les recours juridictionnels ne sont pas visés.L'indemnité
alors décidée, l'agence est automatiquement subrogée
aux droits de l'investisseur, elle n'a donc à effectuer, en principe,
aucune démarche dans ce but auprès de l'Etat d'accueil.
A noter que l’indemnisation ne porte jamais sur 100 % des conséquences
du sinistre, on cherche ainsi à responsabiliser l'investisseur (notion
de "Moral hazard").
Au 30 Juin 1996, l’AMGI avait conclu 223 contrats de garantie divers contre seulement 21 au 30 Juin 1992.
Les nombreuses conditions d'admissibilité peuvent être
mise à l'écart au regard d'une autre action de l'AMGI dans
la garantie des investissements : le parrainage.
2. Le parrainage :
Grâce à ce système, l'agence contribuera à
promouvoir des projets qui ne sont normalement pas admissibles à
sa garantie. Elle pourra par exemple réassurer un investissement
vers un pays développé ou parrainer un investisseur ne relevant
pays d'un Etat Membre .
Le rapport 1996 de l'AMGI (25)
nous donne ainsi l'illustration d'un projet coassuré par l'Agence
avec l'EFIC (Export finance and Insurance Corporation) australien, pays
n'étant pourtant pas membre de l'AMGI, vers un Etat Membre, la Papouasie
Nouvelle-Guinée.
Cependant, les catégories d'investissement admissibles et les types de risque sont les mêmes dans le cas du parrainage et du système de garantie par l'Agence elle-même.
La différence essentielle du parrainage est l'absence de responsabilité
de l'Agence sur ses biens propres : l'Agence agit ici comme mandataire.
Mais les sinistres seront garantis par un Fonds Fiduciaire de Parrainage
séparé, les parrains n'ayant à contribuer à
ce fond qu'en cas d'épuisement de celui-ci.
B / Promouvoir les investissements
internationaux :
Il faut noter enfin que la conclusion de contrats de garantie n'est
pas la seule contribution de l'Agence au Droit international des
investissements, comme le rappelle d'ailleurs l'article 2 de la Convention
: l'Agence doit promouvoir les "flux d'investissements vers
et entre les pays en développement". L'article
23 énonce les éléments spécifiques du programme
de promotion des investissements (conseil, recherches, assistance technique).
Ce deuxième volet de l'action de l'agence vient s'ajouter
à l'action menée par l'ensemble du Groupe de Washington.
1. La structure de promotion des investissements de l’Agence :
L'AMGI possède son propre service de promotion et de conseils,
le P.A.S. , qui se charge des activités de promotion et de recherche.
Les activités de conseils ont été confiée à
un service conjoint de l'AMGI et de la SFI : le Service Conseil pour l'investissement
étranger (FIAS).
2. L'action de promotion proprement dite :
a) Les conseils et l'assistance dirigés vers les pays en développement :
L'agence diffuse des renseignements sur les possibilités d'investissement
dans les pays en développement. Ces renseignements
sont souvent issus d'étude qu'elle rédige elle - même.
A la demande d'un de ses membres, l'agence peut fournir une assistance
techniques et des conseils pour l'aider à améliorer son climat
d'investissement. L'AMGI facilite en outre la
conclusion d'accords entre Etats Membres pour une meilleure protection
des investissements.
b) Un rôle de coordination des autres institutions de garantie :
Après la signature de la Convention, la doctrine internationale posait le problème de la concurrence ou de la complémentarité de l'Agence vis à vis des institutions privées ou publiques d'assurance (art. 19 à 21 de la Convention). Si la complémentarité était réussie, elle serait perçue comme un succès au regard de l' "additionalité" créée par la Convention, à savoir sa capacité à permettre la réalisation d'investissements qui n’auraient pas lieu sans elle (26).
Dans l'optique de cette complémentarité et dans le cadre de l'article 21 (coopération avec les assureurs privés) l'AMGI a créé en 1996, un programme mobilisant la capacité des assureurs privés à garantir certains besoins, jusqu'à présent insatisfaits car trop risqués, des investisseurs : le CUP (Coopérative Underwriting Program) (27).
Promouvoir l'investissement c'est aussi encourager le règlement
des différends entre investisseurs et pays d'accueil.
C / Contribuer au règlement des différends relatifs à l'investissement étranger :
Régler le mieux possible les différents relatifs à
l’investissement étranger doit contribuer à créer
un climat de confiance entre les différents acteurs de l’investissement
international. Les différends peuvent opposer l'Agence à
un Etat Membre (1) ou à un investisseur (2). La référence
au CIRDI est commune à ces 2 hypothèses et peut poser problème
(3).
1. Différends entre l’Agence et un Etat Membre :
Dans ce premier cas, si les négociations entre l'AMGI et le pays
d'accueil pour un règlement amiable (art. 23 b) échouent,
le Chap. IX nous indique que les régimes juridiques applicables
au différend varient selon l’objet du litige :
- Si le litige porte sur un problème d’application ou d’interprétation
de la Convention, le litige est soumis à la décision du Conseil
d’Administration (art. 56 a). Dès que le CA a rendu sa décision,
tout Etat Membre, formant ainsi un appel, peut demander que le litige soit
porté devant le Conseil des Gouverneurs auquel cas la décision
prise est sans appel (art. 56 b).
- Si le litige concerne « des créances de l’Agence agissant en tant que subrogée » , les accords prévoyants d’autres méthodes de règlement nécessairement conclu entre l’Agence et l’ Etat concerné, s’ils existent, doivent être appliqués (art. 57 b)
- Tout autre différend relèvera du régime de l’article
57, renvoyant à la procédure décrite à l’annexe
II :
Le règlement du litige est présenté comme étant
partagé en trois phases se combinant, à l’issue de chacune
d’elle, un accord est possible :
* Une phase de négociations, à défaut d’accord,
les parties peuvent soumettre leur litige à arbitrage ou à
conciliation;
* Une phase de conciliation dans laquelle il convient d’abord de nommer
un conciliateur, si les parties ne parviennent pas à le nommer cette
phase prend fin; Ce dernier a pour mission de faire en sorte que les parties
soient informées de leurs opinions respectives sur le litige et
aménage un dialogue sur un certain laps de temps. Si aucune solution
n’est trouvée dans cette durée, chaque partie peut enfin
recourir à l’arbitrage.
* L’arbitre désigné le sera soit par les parties ou à
défaut par le président du CIRDI ou de la Cour Internationale
de Justice. La procédure d’arbitrage ne se trouve alors plus dans
la Convention elle-même mais dans le Règlement d’arbitrage
CIRDI. Le Droit applicable est constitué de toutes les accords existants
entre parties et même du droit du pays concerné. La sentence
rendue a force obligatoire et ne requiert pas d’exequatur, on peut néanmoins
se poser la question de son effectivité quant on constate que la
Convention n’entend pas faire déroger aux règles de l’immunité
dont peut bénéficier l’ Etat d’accueil.
2. Différends entre l’Agence et un investisseur :
Dans ce second cas, le différend doit être soumis à
l’arbitrage (art. 58), la sentence étant définitive et obligatoire.
Le contrat de garantie précise la procédure applicable. On
soustrait les contrats de garantie au Droit de l ’ investisseur. En outre,
le modèle de contrat fait référence au règlement
d’arbitrage CIRDI. Ce rattachement peut poser problème.
3. Le problème de la référence au CIRDI :
L'AMGI est parfois considérée comme une institution complémentaire au CIRDI (28) . En outre, le fait que le président de la Banque Mondiale soit à la fois président ex officio du conseil administratif du CIRDI et président ex officio du Conseil d’administration de l’AMGI (et même le président de l’Agence comme nous l’avons vu) est à même de poser certaines interrogations quant à la partialité de l’arbitrage effectué, non en ce que l’arbitre lui même soit en cause mais en ce que le droit applicable ait été édicté par l’une des parties.
A ce jour, après quelques années d’activités, aucun litige impliquant l’Agence n’est intervenu.
En conclusion, il faut souligner le succès de l’AMGI dans ses différentes missions ayant pour finalité d’accroître les flux d’investissement étranger direct vers les pays en voie de développement. Ainsi le Rapport 1996 de l’Agence avance d’une part le succès de son « additionalité » : l’AMGI estime qu’elle aurait ainsi facilité, par sa seule action, 15 milliards de USD de flux d’investissements étranger vers 40 pays en développement. Qu’en outre ces données financières traduisent une réalité du développement, l’Agence ayant induit la création 7200 emplois selon les estimations dont 3000 de cadres qualifiés dans ces pays, marquant un réel échange de savoir-faire. Au point de vue juridique, c’est fort de ce succès que l’Agence est devenu un acteur incontournable du Droit des investissements internationaux.
1.Ce terme devant s'entendre comme une aspiration intéressée
à la paix mais aussi comme reflétant une certaine idée
morale de solidarité.
2. Un exemplaire du texte de cette convention peut être
demandé à l'adresse suivante : Librairie de la Banque Mondiale,
66 Avenue d'Iéna, 75016 Paris.
3. : E.JOS, L'AMGI, , p. 402 et MIGA Annual Report 1996, p.10 .
5. Thèse P. Schaufelberger, p.318 note 4.
6. SHIHATA : MIGA and foreign Investment, cité dans thèse P. Schaufelberger, p.295
7. AMGI, commentaire officiel de la Convention, n°62.
8. SHIHATA : MIGA and foreign Investment, p.301, cité dans thèse P. Schaufelberger.
9. MIGA Annual Report 1989, p. 11
10. TOUSCOZ, les opérations de l'AMGI, P.906
11. MIGA Annual Report 1996, p. 14
12. devenu membre de la Banque le 29 Mai 1992.
13. Thèse P. Schaufelberger, p.322
14. TOUSCOZ, Droit International, Thémis, Puf, p348.
15. MIGA Annual Report 1996, p.7
16. Thèse P. Schaufelberger, p. 336
17. MIGA Annual Report 1996, p.36-37
18. MIGA Annual Report 1996, P.57
19. MIGA Annual Report 1996, p. 60, note c
20. MIGA, Requirements for membership, p.3, cité par thèse P. Schaufelberger , p.314.
21. MIGA Annual Report 1996, Financial Statements; l'ensemble des développements ci-après y font référence.
22. AMGI, commentaire officiel, par.7
24. TOUSCOZ, les opérations de l’AMGI.
25. MIGA Annual Report 1996, p.15
27. MIGA Annual Report 1996, p. 15
28. Manuel de Droit International Economique, Julliard,
n°600
Bibliographie :
- Droit International, Jean Touscoz , édition Thémis.
- MIGA Annual Report 1996.
- Règlement MIGA du 8 Juin 1988, éd. Banque Mondiale.
- Thèse de M. CLARAMUNT GARRO, « L’AMGI », 1990,
Université de Strasbourg 3
- Thèse de M. Peter SCHAUFELBERGER, « La protection juridique
des investissements internationaux dans les pays en développement
», Lausanne, 1992.
- E. JOS, « l’AMGI : une contribution positive, mais insuffisante,
pour promouvoir les investissements utiles aux pays en développement
», Revue générale de Droit international Public, n°2,
Avril 1994, p. 387 à 416.
- SHIHATA, « l’AMGI », Annuaire Français de Droit
International, 1987, n°33, p. 601 à 613.
- J. VOSS, « the MIGA : Status, Mandate, Concept, Features, Implications
», Journal of World Trade Law, 1987, vol. 21, P.5 à 23.
- TOUSCOZ, Les opérations de garantie de l’AMGI, Journal de
Droit International n°114, 1987, P.901 à 925.
- TOUSCOZ, L’AMGI, Revue de Droit et pratique du commerce international,
1987, n°13, p. 311 à 333.